Au commencement, tout était noir. L'obscurité épaisse ne laissait aucune place à la lumière. Et pourtant, il n'y avait rien d’oppressant. Le noir n'était pas angoissant. Le vide n'était pas menaçant. Bien au contraire : tout était calme et paisible. Un froid étrangement rassurant emplissait tout l'espace, berçant les états d'âmes les plus violents, apaisant les maux les plus douloureux. Tout n'était que tranquillité, un silence absolu. Feutré, presque familier.
Obscurité glaciale et muette.

Jusqu'à la tempête. Jusqu'à des coups de tonnerre sourds mais réguliers. D'abord espacés, puis de plus en plus rapprochés. Frénétiques. Avec eux, la lumière aveuglante par brèves apparitions, parce qu'impossible de la supporter plus d'une demi-seconde. Et la chaleur qui se répand, chassant la rigidité polaire. La paix est balayée par un désordre soudain.

Et c'est alors que tu réalises. Que les coups de tonnerre ne sont que les battements de ton coeur, palpitant désespérément. Que les éclairs de lumière ne sont que tes paupières, papillonnant frénétiquement. Tes poumons sont douloureux alors que tu cherches à aspirer l'oxygène qui te fait défaut. Brûlure intérieure qui ne semble signifier qu'une chose : tu es en vie.
Si tu savais à quel point tu te trompes.

Il te faut de longues minutes pour sortir de la torpeur dans laquelle tu sembles être plongée depuis une éternité. Pour calmer toutes les sensations qui t'assaillent, comme si tu voyais pour la première fois, entendais pour la première fois. Véritable nourrisson qui pousse son premier cri. Et quel cri : rauque, dénué de mots mais pas de sens. Interrogations entremêlées aussi certainement qu'une pelote de laine faite et défaite : quoi, qui, comment, pourquoi, où, quand.
C'est alors que tes muscles décident de répondre aux ordres donnés par ton cerveau embrumé. La chute est courte mais certaine, et tu t'écrases au sol dans un grognement faible. En te redressant, tu prends soudainement conscience de plusieurs choses, comme si on avait soudainement ôté un voile de tes yeux, de ta perception. La première, c'est que tu es entièrement nue. La seconde, c'est que tu te trouves dans ce qui ressemble à une chambre des plus ordinaires, accueillante même, bien qu'inconnue. Cependant, pas de fenêtre. Seulement une porte, qui, comme si elle avait sentit ton regard, commence à s'ouvrir. Dans un réflexe, non pas de pudeur mais de protection, tes mains s'emparent du draps écru recouvrant le lit d'où tu viens de tomber, l'enroulant autour de ton corps trop fragile ainsi exposé.

Dans l'encadrement, apparaît une femme blonde, quadragénaire, aux traits à la fois élégants et imposant le respect. Son tailleur anthracite renforce cette impression d'autorité, tout comme la position des personnes qui l'accompagne. Légèrement en retrait derrière elle, deux autres femmes à l'allure médicale, qui restent sagement sur le pas de la porte alors que la première inconnue entre comme en territoire conquis.
« Hermione Abberline, de Londres ? »
C'est toute seule que ta tête se hoche dans un signe positif à la question de la femme, décrochant un sourire à cette dernière alors qu'elle se rapproche de toi jusqu'à venir poser une main chaude sur ton épaule : « Bienvenue à Bianselong, Mademoiselle Abberline. »