C’est une ville sans nom, et qui semble pourtant si familière. Comme un reflet flou dans le miroir, comme percevoir le monde avec des verres opaques, comme essayer de voir à travers une fenêtre brisée. Tout est inversé : les mots, et cela ne vous empêche pourtant pas de lire, comme si votre cerveau lui-même avait changé de direction ; vous ne devez plus tourner à droite pour rentrer chez vous comme vous le faisiez depuis trente ans, mais à gauche. C’est un opposé source de malaise, car même si vous savez pertinemment que c’est différent, vous êtes étrangement adapté. C’est une ville nulle-part, c’est une ville partout. New-York, Paris, Séoul, Shanghai, Toronto, de la métropole la plus peuplée aux bourgades campagnardes dont personne ne retient jamais le nom. Les lois de la physique et de la logique semblent évaporées. La ville change, la ville s’adapte. Véritable caméléon, elle se fond et se moue pour plaire à chacun, au nombre et à l’individu. Pour être à vos yeux, l’endroit idéal, un véritable paradis. Pour que vous ne partiez jamais. C’est une ville vivante, toujours en évolution, aux couleurs changeantes et aux crépuscules enflammés. Elle a besoin de vous, le groupe, de vous, la personne. La ville a besoin de vous pour exister, pour respirer. Vous êtes son oxygène, sa raison d’être. Elle est magnifique et lumineuse. C’est une ville morte. Peuplée de fantômes. De cadavres à l’intérieur décomposé. De marionnettes dont elle est le seul maître. Elle vous retient, par les artifices les plus majestueux, les faux-semblants et des espoirs qui ne seront jamais récompensés. Ses tentacules empoisonnés s’enroulent vicieusement autour de vos chevilles, jusqu’à briser vos os s’il le faut, pour vous empêcher de partir. C’est une ville paradis, qui peut faire un enfer de votre vie… Ou ce qu’il en reste.